Rares sont les textes que l’on termine sans émotion. Encore plus rares sont ceux qui nous accompagnent, qui mûrissent avec nous, qui deviennent presque un miroir de notre pensée, de notre cheminement, de notre sensibilité. La dissertation, lorsqu’elle est habitée par une passion véritable — qu’elle porte sur un sujet intime, sur un lieu aimé, sur une idée profonde — devient bien plus qu’un exercice académique. Elle se transforme en une aventure intellectuelle et affective. Et dans cette aventure, la conclusion n’est pas un simple point final. Elle est une étreinte, un aveu, une confession.
1. La fin comme commencement : le paradoxe de la dernière page
Il est paradoxal que la conclusion d’une dissertation, censée marquer la fin d’un raisonnement, soit souvent l’endroit où tout commence vraiment. C’est là que l’on comprend, rétrospectivement, l’ampleur de ce qui a été accompli. Les idées prennent forme, se lient les unes aux autres comme les pièces d’un puzzle. Ce n’est plus seulement une démonstration logique : c’est une prise de conscience.
L’auteur, en écrivant cette dernière section, revient sur son parcours. Il relit ses propres mots, ses hypothèses, ses doutes, ses moments de clarté. Il se rend compte que ce travail, commencé parfois dans l’incertitude, a produit bien plus que des arguments : il a généré une relation, une proximité avec le sujet. Et parfois, cette relation prend la forme d’un attachement profond — d’un amour intellectuel, voire affectif.
2. La confession intellectuelle : oser dire ce que l’on ressent

Dans la conclusion, il est permis — et parfois nécessaire — de sortir du cadre strictement analytique. C’est l’espace où l’on peut oser une parole plus personnelle, plus incarnée. Où l’on peut dire : « Ce sujet m’a transformé. Cette ville m’a inspiré. Cette idée m’a hanté. »
Il ne s’agit pas d’abandonner la rigueur scientifique, mais d’y ajouter une touche de sincérité. De montrer que derrière les références bibliographiques et les démonstrations logiques, il y a une personne. Une voix. Un cœur.
C’est cette confession discrète qui rend la conclusion si précieuse. Elle permet de créer un lien entre l’auteur et le lecteur, de rompre la distance académique pour offrir un instant de vérité. Un moment où la dissertation devient presque intime.
3. La correction de mémoire : affiner la voix intérieure
Avant d’écrire la conclusion, de nombreux auteurs passent par une étape essentielle : celle de la correction de mémoire. Et cette phase prend ici une dimension toute particulière. Ce n’est plus seulement une question de grammaire ou de cohérence : c’est une quête de justesse. On cherche les mots exacts pour dire ce que l’on ressent. On polit chaque phrase pour qu’elle reflète au mieux l’état d’esprit dans lequel on termine.
La correction devient un moment d’écoute intérieure. Elle permet de faire résonner ce que l’on veut vraiment dire. Et souvent, ce que l’on veut dire dans une conclusion, c’est merci. Merci au sujet. Merci au chemin parcouru. Merci à soi-même d’avoir tenu jusqu’au bout.
4. L’amour de l’objet d’étude : entre distance et proximité
Il est parfois difficile, en recherche, de rester « objectif ». Et il n’est pas rare que l’on développe, au fil des mois, un attachement profond à son sujet. Qu’il s’agisse d’un auteur, d’une période historique, d’un lieu ou d’un concept, on apprend à le connaître, à le comprendre, à l’interroger. Et, peu à peu, on l’aime.
La conclusion est le moment où l’on peut exprimer cette forme d’amour — subtilement, bien sûr, sans emphase excessive. Mais avec sincérité. En reconnaissant que ce sujet n’est pas qu’un objet d’étude, mais un compagnon de route. Une présence qui nous aura accompagnés dans nos lectures, nos réflexions, nos insomnies parfois.
5. L’étreinte finale : quitter sans oublier
Terminer une dissertation, c’est un peu comme dire au revoir à quelqu’un que l’on aime. Il y a de la fierté, bien sûr, d’être allé au bout. Il y a du soulagement aussi. Mais il y a surtout une forme de tristesse douce, un léger vertige. On quitte un monde que l’on a construit, page après page, ligne après ligne.
La conclusion est donc une étreinte finale. Une manière de dire : « Je pars, mais je n’oublie pas. » Elle permet de refermer doucement la porte, sans claquer, avec respect et tendresse.
Conclusion de la conclusion : l’amour toujours
« L’amour, toujours » n’est pas une formule naïve. C’est une vérité que découvre tout auteur sincère. Car ce que l’on met dans une dissertation, ce n’est pas seulement du savoir : c’est du temps, de l’énergie, des doutes, des espoirs. En un mot : de l’amour.
Alors, oui, la conclusion est bien une confession. Une offrande. Une main tendue vers le lecteur. Elle est la preuve que l’écriture universitaire peut être habitée, vibrante, profondément humaine.
Et si l’on quitte son sujet au dernier mot… c’est toujours avec amour.